Je t’ouvre, mais je ne devrais pas. Par les temps qui courent.
Tu as une tête. Mon dieu. les flics ne t’ont pas vue ou ils n’ont pas osé t’arrêter ?
Pourquoi tu souris. oui.. je me souviens : le brouillard d’ Invisibilité.
Des années lumière séparent les mondes, je me souviens les centres commerciaux traversés,
Sans être vu, en voyant tout.
Et la fermeture des visages, et la fixité des regards éteints, et les présences tout entières dissoutes par la luminescence des publicités, les ralentis esthétiques des beautés anorexiques, englouties dans des rêves qui se sont pas les leurs.
Je me souviens du leurre.
Oh, il y en a des gens qui ne peuvent pas te voir, des qui ont l’entendement dépassé, et qui ne pourraient pas même soutenir ton regard. Je sais ta solitude la plus totale et tes réserves de courage inouï quand l’Ego oppose perpétuellement son miroir sans tain, cultive la défiance, le goût de la division pour ne pas risquer de trouver ce qu’il fait de toute façon semblant de chercher.
Je t’ouvre ? attends.
J’ai encore la chaîne sécuritaire qui coince… mais ça y est.
Tu n’as nulle part où aller, je veux dire.. en ce moment ?
Pourquoi tu souris si tristement.
Non, je retire ma question. ne me dis rien.
Je sais déjà ce que ne disent plus tes lèvres : tu es partout chez toi.
Ça y est, ça commence à se savoir, la terre n’ appartient à personne.
il n’y a que ce monde qui puisse la rendre malade, et avec notre esprit. la civilisation qui corsète le vivant.
Peu importe l’illusion que les hommes se font de posséder quoique ce soit. Et les Eve à leur coté pour encourager le mensonge, peu importe l’identification, la chimère sous tous ses aspects est une seule et même créature.
Tu as connu les violences de la mauvaise foi,
la loi du plus fort,
les esclaves des pavillons de banlieues,
les kilomètres d’embouteillages,
les habitants des clapiers à lapins,
les annexés, les citadins,
les galériens isolés, les poètes dans les cafés le soir et leurs belles paroles,
les bourgeois avec leurs attaches longues de plusieurs générations, qui portent leurs ancêtres et mangent leur arbre généalogique par les racines
tu les as respiré les bergers qui sentent bon l’amitié, le fromage de leurs brebis, le feu de leur cabane et l’herbe des cimes ;
les beaux artistes,
les plus-plein-d’eux-mêmes-que-de-leurs-sujets, les pouilleux, les pouilloux, les poignées d’eau,
les imposteurs brillants,
les petits authentiques, les rares impeccables lumineux,
les misérables richissimes, prisonniers de leurs possessions et de la catholicité,
en ordre bien établi, qui nous demande tous de ne pas suivre
l’exemple du poète épinglé vif comme un papillon sec,
pour que les moutons se gardent bien tout seuls d’aimer leur prochain, leur voisin et leurs femmes – et en aucun cas soi même.
et Pour des siècles des siècles. Amen.
Vingt et un gramme de bagage, tu as raison, c’est bien assez.
le poids d’une âme et ce vieux chien fidèle à tes cotés.
Ne reste pas planter sur le seuil.
Entre, ma maison sera aussi la tienne tant que tu ne t’y sentiras bien. tu es la bienvenue.
Comment une femme telle que tu es, , avec vue panoramique entre deux âges, peut elle vivre déguisée en vagabonde,
vivre de rien, avec l’opération du Saint Esprit à la compta,
par quel chemin tracé par quelle foi, es tu passé pour devenir fille et femme du Vent,
et en arriver là ?
Pourquoi tu pleures..
non, ne me dis pas la profondeur abyssale de tes peines où d’autres mondes avant celui-ci ce sont déjà effondrés,
ne me dis pas non plus l’air que tu bois, le vertige d’ oiseau de passage de tes plus hautes joies..
mon cœur tremble de l’altitude du fil sur lequel tu danses, mais je n’ai pas peur de ton prochain pas, je crois en toi et à tout ce que touchent tes pieds. je ne crois en rien d’autre que la volonté d’ aimer. rien de sentimental à cela.
Alors vas-y entre, repose-toi un instant..s’il te plaît.
Sais tu où tu iras après, dans un moment, quand la confitude sera levée, quand chacun saura à quel sens se vouer, et se sera relié avec ou sans conscience à ce qui le domine,
Quand le monde se sera partagé entre ceux qui auront développer le syndrome de Stockholm, les jusque-là porteurs sains du virus du Larbin, près à suer sang et eau pour des maîtres en carton pâte, pour leurs ambitions hors sol qui ne les regardent en rien.
Et il y aura ceux là, les autres, les fervents du Nous, les hors pistes, les apprentis en connexion d’âme à âme, en reliance sans dogme, les inventeurs de la post modernité, ceux qui auront abandonné tous projets pour servir l’expansion, et avec l’expansion, cet art nouveau de vivre et de ressusciter le lien, à la vie comme à la scène.
Sais tu où se trouve le Royaume ici bas, quand ce qui fait obstacle à l’amour tombe de lui-même ?
J’aime quand tu me souris. Non, ne me dis rien. Ton silence me fait du bien. Aussi.
Lilith Dujardin