« Si l’on me disait encore :
Que ferais-tu si tu mourrais aujourd’hui ?
Je répondrais sur-le-champ :
Si le sommeil me gagne, je m’endormirai ;
si j’ai soif, je boirai ;
si j’écris, ce que j’écris me plaira et j’ignorerai la question ;
si je déjeune, j’ajouterai un peu de moutarde et de poivre à ma grillade ;
si je me rase, je pourrai me couper au lobe ;
si j’embrasse mon amie, je dévorerai ses lèvres comme une figue ;
si je lis, je sauterai quelques pages ;
si j’épluche des oignons, je verserai quelques larmes ;
si je marche, j’irai plus lentement ;
si j’existe ainsi qu’à présent, je ne penserai pas au néant ;
si je ne suis pas présent, l’affaire ne me concernera pas ;
si j’écoute Mozart, je me rapprocherai du carré des anges ;
si je dors, je continuerai à dormir, rêvant et follement amoureux du gardénia ;
si je ris, je réduirai mon rire de moitié par décence.
Que puis-je faire ?
Que puis-je faire d’autre, même si j’étais plus courageux qu’une tête brûlée et plus fort qu’Hercule ? »
Mahmoud Darwich
(Traduction : Elias Sanbar)
