Le rêveur – Victor Hugo

« Oui, je suis le rêveur ; je suis le camarade
Des petites fleurs d’or du mur qui se dégrade,
Et l’interlocuteur des arbres et du vent.

J’ai fini, grâce au calme en qui je me recueille,
À force de parler doucement à la feuille,
À la goutte de pluie, à la plume, au rayon,

Par descendre à ce point de la création,
Cet abîme où frissonne un tremblement farouche,
que je ne fais plus même envoler une mouche.

Le lys prude me voit approcher sans courroux,
Quand il s’ouvre aux baisers du jour ; la violette
La plus pudique fait devant moi sa toilette ;

Je suis pour ces beautés l’ami discret et sûr
Et le frais papillon, libertin de l’azur,
Qui chiffonne gaîment une fleur demi-nue,

Si je viens à passer dans l’ombre, continue,
Et, si la fleur se veut cacher dans le gazon,
Il lui dit: «Es-tu bête ! Il est de la maison.»

Victor Hugo


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