Le mensonge de la vérité – Jean Claude Carrière

Un jeune prince indien, traversant ses terres à cheval, vit, dans un village, une jeune fille d’ une grande beauté et s’ en épris.

Il alla voir le père de la belle pour lui demander sa main 

« Je ne peux pas te la donner car tu ne connais pas la « vérité ».
Cherche-la, trouve-la, reviens 
et je te donnerais ma fille ! »

Sans attendre, le prince se mit en quête de la vérité.

Il la chercha dans les bois et dans les champs, dans les rivières et dans les montagnes, dans les déserts et dans les villes. Partout il demandait :

« Avez-vous vu la vérité ?
savez-vous où je peux la rencontrer ? » 

On lui répondait que la vérité n’ était pas là, elle était passée autrefois par cette ville, sur ce fleuve mais sans s’ attarder.
Elle était vite repartie .On ne savait plus très bien où.

La vérité était ailleurs, plus loin, toujours plus loin 

Ici du moins, on ne la connaissait plus. 

Sa recherche, entêtée et épuisante dura des années. 

À la fin, fatigué et découragé, il s’ assis au sommet d’ une montagne près de l’ entrée d’ une grotte. 
Il voulait se reposer, prêt à abandonner sa recherche.  

À l’ intérieur de la grotte il entendit un bruit,  
un grognement.
Il se leva, l’ épée à la main prêt à affronter un fauve ou un ours.
S’ approchant, il distingua dans l’ ombre une silhouette sombre qui lui parut être celle d’ une femme.

Il entra dans la grotte où régnait une odeur fétide.
Là, une fois ses yeux habitués à l’ obscurité, il vit en effet une femme, accroupie sur le sol, vieille et hideuse, couverte de pustules, ridée, poilue et puante.

Elle leva les yeux vers lui et lui demanda ce qu’ il cherchait. 

« Je cherche la vérité ! »

« Eh bien, tu l’ as trouvée ! »

« Tu es la vérité ? » 

« Oui, c’ est moi ! »

« Comment en être sûr ? »

Elle lui donna des preuves. Elle savait tout de lui, son nom, son âge, son aventure, 

Il lui demanda :

« Suis-je le premier à te trouver ? »

« Oui, tu es le premier. »

Il dit à la vieille femme :

« Je suis très heureux de t’ avoir trouvée. Je vais pouvoir épouser la femme que j’ aime si toutefois elle m’ a attendu. Que veux tu que je dise aux hommes à ton sujet ? »

« Ne leur dis rien. »

« Mais tous veulent te connaître !Ils vont m’ interroger !Il faudra bien que je leur raconte quelque chose !
Que vais je leur dire ? »

Alors la femme repoussante répondit au prince :

« DIS LEUR QUE JE SUIS JEUNE …
ET BELLE « 

Jean Claude Carrière

« Le cercle des menteurs » 



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