Le Géant aux bottes d’or

CONTES ET LÉGENDES

Du fond de la nuit,

la Dame Blanche poursuivi sa route. Elle erra longtemps dans les montagnes environnantes. On la voyait quelques fois en haut des cols et au creux des combes, ombre blanche au détour d’un chemin que les montagnards voyaient comme un mauvais présage, se dépêchant de rentrer chez eux sans parler à personne de leur vision de peur d’être pris pour des fous.

Pourtant, les gens du lac ayant subi leur juste punition, la dame Blanche ne cherchait pas une vengeance plus grande. En fait, elle continuait à marcher sur les sentiers à la recherche de nourriture. Son corps ayant disparu elle ne cherchait plus de victuailles terrestres pour le nourrir mais bien plutôt quelques réconforts spirituels pour apaiser son âme en quête de charité. Elle n’avait pas reçu son aumône sur Terre, aussi cherchait-elle dans les montagnes la manne du cœur que personne n’avait su lui donner.

Elle ne cherchait même pas le contact des humains du moins pas physiquement car depuis la mort de son corps elle avait acquit un don pour voir, dès l’approche d’un être vivant, ce que contenait son âme et son cœur.
Même les animaux ne la craignaient pas et elle ne les craignait pas non plus car leur innocence se sentait à leur approche, à leur manière de se déplacer, vigilant au moindre mouvement de la forêt, guettant un risque pour leur vie ou une opportunité de proie pour calmer leur faim.
Elle connaissait ainsi les loups, les renards, et aussi les oiseaux qui l’avertissaient par leur vol de l’arrivée d’un être plus dangereux parce qu’armé ou dissimulé pour les tuer. Aucun animal ne la craignait car tous avaient vu et compris le drame qui s’était noué sur le lac cette fameuse nuit d’orage. Ils savaient tous que la pauvre dame blanche n’avait plus que ses larmes pour poursuivre son chemin vers le ciel, encore pour quelque temps sur Terre. Quelquefois, par les jours de grosse neige, un ours lui faisait la « challée », le chemin dans la neige pour la guider vers des endroits propices à un meilleur repos.

Ce soir là, la nuit était plus noire, plus froide que d’habitude et même si le froid ne mordait plus ses membres, il continuait à geler son cœur. Son ombre parcourait un col au pied de la Tournette, vers l’endroit où la pente bascule vers une autre vallée. Dans ce cirque de montagnes où l’homme se fait rare. Seuls quelques choucas attardés rejoignaient leur trous dans les rochers et elle avait peu d’espoir de pouvoir remplir son sac de bonté à cette heure.

Pourtant, à l’entrée d’un bois, elle vit une petite lumière.
Si un homme habitait ici, c’est qu’il avait sûrement une raison. Soit que la compagnie des hommes frustres des vallées ne lui était pas permise, soit qu’une circonstance de sa vie l’avait arrêté ici sans désir de continuer la ronde frénétique de la vie d’en-bas.

Elle s’approcha et frappa timidement à la porte de la pauvre masure. Elle entendit le pas claudiquant de l’habitant du lieu et quand il ouvrit elle se trouva en face d’un vieil homme qui avait perdu une jambe et qui, sans poser plus de question l’invita à entrer prestement.

– « Mon Dieu, ma pauv’ dame ! Vous n’allez pas rester dehors dans un froid pareil ? Entrez seulement !! »

Il se rassoit dans son vieux fauteuil au plus près du maigre feu du fourneau qui trône au milieu de la pièce !

– « Vous savez, je n’ai pas grand chose à vous offrir mais si un verre de vin peut vous satisfaire je peux aller dans la remise en sortir une bouteille ! »

La dame blanche, silencieuse avait pris place sur une chaise à moitié dépaillée approchant son siège du fourneau et il commença à se produire des choses bizarres.
Une musique semblait sortir du meuble contre le mur, le feu se mit à se ranimer et la chaleur se fit plus douce On entendit remuer des casseroles et une grosse marmite vint prendre place sur les ronds de fonte de la vieille cuisinière. Une silhouette se faufila vers le buffet et deux assiettes sortirent et vinrent se poser sur la table bientôt rejointes par deux verres. La preste silhouette voletait sur la terre battue de la cuisine. L’homme ébahi semblait reconnaître sa femme, emportée dans un torrent plusieurs années avant lors d’une crue. Il avait tenté de la retenir mais sa jambe était coincée sous un bloc de rocher descendu de la montagne. Il ne s’était jamais remis de la disparition tragique à laquelle il avait assisté.

– « Ma bien-aimée, c’est toi, tu es revenue ? »

– « Oui mon amoureux, je suis de retour. Et c’est pour ne plus jamais te quitter, nous allons être ensemble maintenant. Quand la nuit se finira, tu prendra ma main, tout s’effacera autour de nous et nous dormirons pour toujours dans nos montagnes. Je dormirai sur la Tournette et toi sur le Mont de Cotagne. Nous aurons ainsi des oreillers à notre mesure car nous avons grandi à la dimension de notre amour.

Ainsi, à chaque Noël, ceux qui se promènent dans les montagnes à minuit peuvent voir sur le lac des reflets de lune comme les reflets des foyers engloutis. Dans ces reflets, ont distingue une ombre blanche qui sort de l’onde et qui grandi au fur et à mesure qu’elle monte vers le col des Nantets au pied de la Tournette. Elle va rejoindre un Géant aux bottes d’or qui l’attends. Quand leurs deux mains se joignent, une pluie d’étoiles tombe du ciel, la montagne chante et tous les animaux de la forêt écoutent la berceuse qui endort les enfants de la Terre et qu’ils sont seuls à entendre.

Vous ne l’entendez plus cette douce chanson ?

La Dame Blanche a ainsi accompli son destin.
Elle passe souvent vers chez vous chaque fois que votre cœur est triste. Elle chante une douce chanson que seule votre âme d’enfant peut entendre.

Elle passe aussi dans les demeures où règne la discorde, et là, elle brandi sa baguette et d’un coup elle englouti tous vos rêves et vous ôte le sommeil pour quelque temps.

Dormez braves gens, vos oreillers sont vastes, vos rêves y caracolent au gré de vos amours.

Aimez les vivants, la Dame Blanche veille sur vous.


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