J’ai cru longtemps comme toi qu’il suffisait de toucher
le bois d’une table pour marcher avec la forêt,
de caresser le galbe d’une statue pour donner
un corps tout neuf à l’amour,
de croquer un fruit vert pour que s’ouvre à nouveau
le jardin de l’enfance et que la mer appareille
qui était blanche comme tout ce qui endure
sans parler le feu des longs désirs.
J’ignorais
que là où l’enfant peut entrer de plain-pied
un mur se dresse que le temps a bâti
avec nos cœurs aveugles, avides, nos belles
promesses, nos serments de papier,
et c’est celui-là même où nos rêves se brisent
que tu défais, poète, pierre après pierre,
avec des mots de rien, des mots de peu
que les pluies ont lavés, les silences taillés
comme un diamant dans la lumière des jours.
Guy Goffette,
in Petits riens pour jours absolus,
Gallimard, 2016
Avec la complicité d’un recueil poétique en arabe du poète Mohamed Serghini publié en 1994 (pages 56-57) : من فعل هذا بجماجمكم؟

Photographie: Thami Benkirane Fès ville nouvelle, le 20 novembre 2016.